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L’opinion d’Elise et Fanny Magnenat, étudiantes suisses membres de Madinina 2002, sur le statut politique et l'avenir touristique de l'île




             Nous voilà de retour en Suisse après ce magnifique séjour de trois semaines en Martinique. Durant ce voyage, nous avons eu l’occasion de prendre conscience des différentes problématiques propre à cette région. Suite à cela, nous allons répondre aux quelques questions qui nous ont été posées par les organisateurs.

 

             Il est clair qu’en si peu de temps, nous n’avons pu avoir qu’une vision globale de la situation, ce qui ne nous permet pas d’avoir un avis tenant compte de tous les paramètres.  Et que notre avis a sûrement été très influencé par les quelques personnes que nous avons rencontré.

 


Question 1 : Quel avenir institutionnel pour la Martinique ?


 

A ce que nous avons pu constaté, la situation actuelle de l’île ne semble pas idéale. Par exemple, au niveau économique, la Martinique est en grande partie financée par la France métropolitaine. Le taux de chômage élevé (environ 30 %) et les possibilités de développement industriel limitées justifient ces subventions. Cependant, ce statut « d’assisté » n’est pas une situation positive pour un développement dynamique de l’île.

 

       Au niveau politique, nous rappelons tout d’abord que la Martinique, en tant que département français, est régie par des lois françaises. Compte tenu de la situation géographique, des différences culturelles, les décisions prises par l’Etat ne sont alors pas toujours adaptées à la Martinique. De plus, les Martiniquais représentent une minorité au sein de la population française, ce qui ne leur permet pas d’avoir un poids significatif au sein du gouvernement. A cela s’ajoute encore un phénomène historique : le fait qu’une minorité blanche (les békés) détiennent la majorité des terres de l’île ne laisse aucune chance au reste de la population de se développer économiquement,  dans un but d'autonomie. La conséquence principale de cette situation est alors un désintérêt politique de la  population face à la gestion de sa région. Le taux de votant de 30 % aux dernières élections illustrent bien cette déresponsabilisation.   

      

Pour les raisons énumérées ci-dessus, le statut quo ne nous paraît pas satisfaisant. Cependant, il représente l'opinion d'une partie de la population.

 

       En réaction à cela, un courant indépendantiste est né. La question de l’indépendance a pour nous beaucoup de sens. En effet, parler d’une île comme étant un département français - une partie de l’Europe - alors même qu’elle se situe à 7000 km du continent européen dans l'océan atlantique, nous paraît absurde ! Même inconsciemment, lorsque nous parlons de la Martinique, nous utilisons les termes "pays " ou "île" et non "département français" !

 

A notre avis, l’indépendance est la solution idéale. Cependant, pour atteindre ce statut, des changements catégoriques, voire révolutionnaires, sont nécessaires dans une situation économique instable et dépendante de la France. La population est-elle prête à se prendre en main ? En a-t-elle les moyens ? Les ressources ? Est-elle prête à voir son niveau de vie chuter ? A perdre un certain confort (car c’est bien le risque d’une indépendance trop vite instaurée) ?

Si le peuple opte pour l’indépendance, l’économie est, dans ce cas-là, le point clef de tout changement institutionnel. En effet, la Martinique doit tout d’abord obtenir son indépendance économique si elle veut un jour pouvoir se défaire du joug de la France. Nous voyons là toute l’importance pour l’île de développer ses propres ressources.

 

       Vu sous cet angle, l’indépendance apparaît comme un objectif à long terme. Elle pourrait alors être le résultat éventuel de l’évolution générale du pays.

 

       Ainsi nous pensons que l’autonomie représente une première étape possible du processus d’évolution. Elle ne peut être considérée comme une fin en soi, mais plutôt comme un intermédiaire nécessaire (bien qu’insuffisant).

 

Nous avons eu l’impression que les autonomistes aspiraient à une simple autonomie décisionnelle (tout en gardant le soutien financier de la France). Cependant, nous pensons qu’un peuple qui revendique son autonomie doit aussi assumer sa situation économique. Cette solution nous paraît trop « facile » et ne s’oriente en tout cas pas vers une responsabilisation de la population. De plus, cette situation permettrait à la France de garder une main mise trop importante sur l’île.

 

Aujourd’hui, bien que l’autonomie nous semble être une demi-mesure, elle se présente comme la première marche d’une longue ascension vers l’indépendance.

     

 




Question 2 : Le tourisme en tant que perspective de développement pour la Martinique



 

       Comme nous l’avons mentionné ci-dessus, pour acquérir une certaine indépendance, la Martinique doit pouvoir développer son économie. Le tourisme se présente comme une ressource intéressante. Il permettrait également la création de nouveaux emplois - nécessaires étant donné le taux de chômage élevé (développement social).

 

       Lors de notre séjour, nous avons eu l’occasion de rencontrer M. Hector Elisabeth, délégué général de l’Agence Régionale de Développement Touristique de la Martinique. Pendant notre entretien, nous avons discuté des débouchés économiques du tourisme en Martinique.

 

       Premièrement, il est important de distinguer quelle sorte de tourisme est prête à accueillir la Martinique. Pour répondre à cette question, nous allons passer en revue les différentes possibilités qu’offre actuellement le marché du tourisme.

 

 

       Le tourisme de masse:

 

       Il est vrai que certaines îles voisines ont choisi le tourisme de masse (Cuba, République Dominicaine…). Certes, cela amène de gros bénéfices immédiats, mais à quel prix ? Les infrastructures mises en place causent d’importants dégâts sur l’environnement. Le salaire du personnel est extrêmement bas afin d’assurer des tarifs concurrentiels à la clientèle. Les investisseurs sont très souvent étrangers : les bénéfices sont donc pour la plupart transférés hors du pays, ce qui ne permet pas à la population d’en profiter.

 

       Ainsi, si la Martinique opte pour le tourisme de masse, elle devra proposer des prix attractifs. Ceci entraînerait, sans aucun doute, une baisse du niveau de vie de la population. Ce qui nous renvoie à notre question de départ : Les Martiniquais sont-ils prêt à voir leur niveau de vie baisser ?

 

       Néanmoins, suite à notre discussion à l’ARDTM, nous avons cru comprendre que ce n’était pas tout à fait le genre de clientèle recherchée. En effet, selon M. Hector Elisabeth, le tourisme de luxe serait plus approprié.

 

       Le tourisme de luxe:

 

       Le tourisme de luxe vise une clientèle de haut-standing. C’est pourquoi, il pourrait être une alternative économique intéressante. Cependant, il nécessite, au départ, d'importants investissements afin d’offrir une infrastructure de qualité. Mais, le problème reste le même : d’où pourrait venir le financement? De l’Etat français ? Cette solution n’entre en tout cas pas dans une logique indépendantiste. D'investisseurs étrangers ? Tout comme le tourisme de masse, cette situation ne profiterait certainement pas aux petites entreprises locales ni aux couches défavorisées de la population.

 

       D’autres questions nous viennent également à l’esprit

-         Pour quelle raison cette classe touristique choisirait la Martinique plutôt qu’une autre île de la Caraïbe?

-         Il ne faut pas oublier que ce genre de destinations luxueuses est souvent victime d’un phénomène de mode. Dans de telles conditions, cette solution pourrait-elle s’inscrire dans un processus de développement durable ?

-         Si la Martinique décide d’investir dans le tourisme de luxe. Il faudra alors garantir une meilleure collaboration entre les deux organes de développement touristique (ARDTM et ODTM). Ces derniers sont-ils prêts à s'associer pour assurer une promotion optimale tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’île ?

 

       Le tourisme alternatif:

 

       L’ARDTM semble également intéressée par le tourisme alternatif. Nous avons d’ailleurs passé devant le Salon du Tourisme Vert qui a eu lieu pendant notre voyage.

 

       En ce qui nous concerne, à un niveau économique, social, écologique et culturel, cette solution nous paraît être la meilleure. En effet, il favoriserait un développement des petites et moyennes entreprises locales. La population locale profiterait d’un développement durable et respectueux de son île. Et le touriste pourrait découvrir des aspects originaux de la Martinique, pas seulement les plages…

 

       Malheureusement, le tourisme alternatif ne touche, pour le moment, qu'une couche minoritaire de la population. Son évolution est certaine, mais serait-elle suffisante pour devenir une ressource économique intéressante ? Il faut aussi prendre en considération le fait que ces touristes ne sont pas dans une optique de consommation et ne rapporteront peut-être pas de grands bénéfices.

 

            Pour conclure, nous pensons que le tourisme est un des éléments du développement économique. Pourtant, il ne réglera pas seul les problèmes financiers de l'île. Comme le tourisme ne représente qu'une partie des ressources exploitable, nous avons tenté d'imaginer… naïvement… d'autres alternatives possibles : nous avons donc pensez à la culture, aux intellectuels, au secteur industriel et… pourquoi pas à la musique.

 

            De plus, nous supposons que s'il y a une redistribution plus équitable des terres, l'exploitation agricole pourrait être profitable à l'ensemble de la population.

 

            Comme M. Serge Letchimy l'expose dans son livre Discours sur l'autonomie, l'évolution de la Martinique passe aussi par l'élaboration d'une identité propre à la Martinique ainsi que par une prise de conscience générale de la population au sujet des problématiques de son île.