Hector Elizabeth est délégué
général de l’ARDTM (Agence Régionale Du Tourisme à la Martinique)
Q : Quelle est la place du tourisme en
Martinique ?
R : Le tourisme tient une place économique très
importante en Martinique.
Nous disposons de 117 hôtels et d’une capacité d’hébergement de presque 9000
chambres, nous permettant d’accueillir plus de 500 000 touristes de séjour par
an, auxquels il faut rajouter le tourisme de croisière (environ 300 000
touristes) et de plaisance (environ 40 000 touristes). D’où l’existence d’une agence
régionale qui a pour objectifs l’aide à la création d’entreprises touristiques,
l’aide à des projets de communication touristique, la formation liée aux
métiers du tourisme. L’aspect communication est pris en charge par un autre
organisme : l’Office Départemental du Tourisme de Martinique. Une fusion de ces
deux structures devrait avoir lieu prochainement pour davantage d’efficacité.
Il me semble important de souligner deux points importants concernant le
secteur touristique en Martinique : d’une part, le tourisme ne peut en
aucun cas constituer la seule voix de développement, mais seulement avoir un
effet d’entraînement ; d’autre part, on assiste depuis l’an 2000 à une
baisse globale effective du nombre de touristes.
Q : D’où provient cette diminution du nombre de touristes ?
R : N’oublions pas que cette évolution tient en
partie à une forte baisse du tourisme de croisière, qui est, rappelons le,
faiblement rapporteur de devises. Néanmoins, nous ne pouvons nier une réelle
désaffection de la part des touristes de séjour. Les causes exogènes de ce
phénomène sont la concurrence des pays voisins (Cuba et Saint-Domingue) qui
bénéficient de coûts salariaux bien moindres, et les problèmes liés au
transport aérien (quasi monopole d’Air France). Les causes intrinsèques
résident dans la véritable obsolescence des structures d’accueil. Nos hôtels
datent souvent des années 60, et n’ont pas été rénovés de façon conséquente.
Q : Comment inverser la tendance ?
R : La concurrence des pays voisins est difficile à
appréhender, car si les prestations comme le RMI ou le salaire minimum
augmentent les coûts sociaux, nous ne pouvons revenir sur ces avancées
sociales. De plus, les pays concurrents jouent sur la mode du « all
inclusive »
qui n’est pas encore pratiqué ici. Nous pouvons adopter de tels produits, mais
le risque est de diminuer l’impact du tourisme sur l’économie locale, les
dépenses étant effectuées seulement dans les hôtels. La solution est, à mon
avis, de jouer sur la qualité. L’idée étant d’augmenter les recettes
touristiques, même si le flux touristique total diminue. L’exemple de l’île
Maurice montre bien qu’un tourisme de luxe est plus rémunérateur qu’un tourisme
de masse. D’autant plus que l’île est petite et le tourisme de masse ne
correspond pas à cette exiguïté du territoire. Enfin nous pouvons développer
certaines niches comme le tourisme vert, segment de l’écotourisme.
Le problème du transport aérien peut être réglé grâce à
l’aide de l’Europe. Les Canaries, Madère et la Corse ont obtenu de l’Union une
intervention pour diminuer le coût du transport au nom de la continuité
territoriale. Ainsi chaque billet d’avion en direction de Madère est
subventionné par les fonds européens. Les démarches ont été lancées récemment
en ce qui concerne la Martinique et on peut espérer des changements pour les
prochains mois.
L’obsolescence
de l’infrastructure touristique est plus inquiétante car elle montre une
certaine « fuite » des groupes multinationaux et des tours opérators.
Or, les békés n’investissent pas ou peu dans le tourisme. Sans le
renouvellement des structures et l’appui des groupes multinationaux, les
perspectives du tourisme martiniquais sont limitées.