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Littérature martiniquaise & antillaise








La littérature antillaise est d'une richesse incommensurable ! Nous avons donc fait le choix de vous présenter trois écrivains parmi les plus reconnus, ainsi que le mouvement littéraire de la créolité



Trois écrivains martiniquais majeurs




Aimé Césaire (né en 1913)

Aimé  Césaire

Aimé Césaire est né en 1913 en Martinique. Issu d'une petite bourgeoisie de fonctionnaires, il ne se sens pas vraiment à sa place dans un pays où les noirs sont autant méprisés par les mulâtres, que par les blancs qui dominent la société antillaise. Durant sa jeunesse, il se nourrit des lectures de Victor Hugo, Charles Baudelaire, Stéphane Mallarmé, Charles Péguy ou encore Guillaume Apollinaire. Après avoir obtenu son baccalauréat, il arrive à Paris en 1931 afin de poursuivre ses études, qui le conduisent du lycée Louis-le-Grand, puis à l'École Normale Supérieure. Père du mouvement de la négritude, il exprime sa révolte et sa quête identitaire dans son oeuvre poétique majeure, le Cahier d'un retour au pays natal publié en 1939. Actif dans les milieux intellectuels de Paris durant les années trente (il fréquente notamment Léopold Sédar Senghor, cotoie Jean-Paul Sartre, ou encore Pablo Picasso), il s'engage en politique dans les rangs du Parti Communiste français qu'il quitte en 1956 pour fonder deux ans plus tard le Parti Progressiste Martiniquais (PPM). Acteur majeur de la départementalisation, il devient en 1945 maire de Fort-de-France et député de la Martinique. Son Discours sur le colonialisme (1950) dira sous la forme du pamphlet toute son hostilité au colonialisme européen. Césaire écrit également des pièces de théâtre : avec La Tragédie du roi Christophe, il met à jour un pan de l'histoire d'Haïti, en montrant comment un héros, souhaitant accélérer la transformation de son pays, se transforme en tyran renié par son peuple; avec une Saison au Congo, il évoque la chute de Patrice Lumumba, héros de l'indépendance du Congo. Sa pensée se trouve au carrefour de trois influences : la philosophie des Lumières, le panafricanisme et le marxisme. Moi, Laminaire publié en 1982 est l'occasion pour Césaire de se mettre à nu, se comparant à cette algue (la laminaire) qui, bien que ballotée par les flots, reste solidement accrochée à son rocher (son pays).

En 1993, il met un terme à une longue carrière parlementaire et en 2001, il quitte (enfin!) ses fonctions de maire de Fort de France, poste qu'il a occupé pendant plus de cinquante ans. Comme le dit lui-même Aîmé Césaire, " la littérature a toujours été mon poumon essentiel ". Si l'apport littéraire de ce grand poête apparaît comme indiscutable, son action politique nous semble bien plus contestable, tant la voie choisie pour la Martinique de l'assimilation est remise aujourd'hui en question. Pourtant, ni ses opposants politiques, ni même les observateurs extérieurs n'osent porter un regard critique sur son action en tant que maire de Fort-de-France. En effet, au vu du charisme et de la popularité du chantre de la négritude, on peut même s'interroger sur les capacités managériales d'un homme qui n'a pu résoudre les conflits récurrents des transports en commun dans sa ville. L'intellectuel a laissé à son départ une ville de Fort-de-France exsangue : surendettée, au centre ville déserté et non sécurisé, et aux transports désarticulés. Son successeur : Serge Letchimi a aujourd'hui bien du travail.

Frantz Fanon (1925-1961)

Frantz Fanon

La pensée de Frantz Fanon a influencé de nombreux intellectuels du tiers-monde. Né en Martinique dans une famille bourgeoise acquise aux idées assimilationnistes, Fanon fréquente le lycée Schoelcher où il a comme professeur Aimé Césaire. Lors de la guerre 1939-45, il rejoint à tout juste 17 ans, la résistance britannique sur l'île de la Dominique puis les Forces de la France Libre. À la fin des hostilités, il est en Allemagne blessé, décoré et démobilisé. À Lyon, il suit des études de médecine et devient psychiatre. Dans son essai, Peau noire, masques blancs, paru en 1952, il étudie les conséquences psychiatriques du colonialisme et du racisme. Il fait le portrait de l'homme noir antillais, victime des préjugés de couleur et des complexes d'infériorité qu'il a intériorisés. Il théorise l'aliénation psychotique provoquée par l'oppression coloniale. Critique vis-à-vis de la négritude, il considère le concept trop réducteur. Fanon récuse les impasses identitaires du tout-blanc ou du tout-noir, de la " négritude " opposée à la " blanchitude ", afin de ne pas passer " de la grande erreur blanche au grand mirage noir ". Car pour Fanon, " Il n'y a pas de mission nègre, il n'y a pas de fardeau blanc ".

Peau Noire Masques Blancs (édition anglaise)


La révolte de Fanon va au-delà du monde noir. Dans Les damnés de la terre (1961), préfacé par Jean-Paul Sartre, il s'insurge contre " la mise à l'écart d'un milliard et demi d'hommes par une minorité orgueilleuse " et prône une décolonisation violente. L'ouvrage devient rapidement le livre culte des intellectuels tiers-mondistes. L'engagement de Fanon ira bien au-delà des mots. À partir de 1953, il participe à la lutte de libération algérienne. Médecin-chef à la clinique psychiatrique de Blida (Algérie), il participe aux actions du FLN (Front de Libération Nationale), intervient dans la rédaction du journal El-Moudjahid et représente, sur le plan diplomatique, le GPRA (Gouvernement provisoire de la république algérienne). Il meurt atteint d'une leucémie, en 1961, dans un hôpital de Washington. Il sera enterré en Algérie, quelques mois avant la proclamation de l'indépendance. Fanon demeure aujourd'hui une figure légendaire de la décolonisation. Partisan d'une décolonisation totale, en particulier de ses Antilles natales, il jugeait cependant que la lutte pour l'indépendance dans la Caraïbe passait d'abord par la création d'une confédération de toutes les Antilles. Fanon a fait la révolution là où il a trouvé les structures militantes pour agir.

Les Damnés de la terre, livre mythique de la décolonisation


Edouard Glissant (né en 1928) et l'antillanité

Edouard Glissant

L'Antillanité est un concept forgé à la fin des années 60 par Édouard Glissant. Il naît d'un constat : la société antillaise est malade. Elle souffre d'avoir subi une politique de colonisation " réussie ". Face à ce diagnostic, Glissant propose un remède : la quête de l'identité antillaise. Pour cela, il s'agit de se réapproprier l'espace, accaparé par les colons, et l'histoire, occultée par la période de l'esclavage. L'Antillanité est une volonté de reconstituer les déchirures sociales, de remplir les trous de la mémoire collective et d'établir des relations hors du modèle métropolitain. " On ne répare pas le malheur avec des mots, explique Glissant, mais les mots forcent la mémoire qui se dérobe, l'obligeant à une permanence frémissante qui nous roidit. " L'objectif de Glissant est de mettre à jour le réel antillais à travers l'histoire commune de la plantation sucrière que caractérisent le cloisonnement social, la couleur de la peau, l'héritage africain et la langue créole. Il affirme la spécificité des Antilles dans leur diversité, leurs langues et leurs histoires. L'Antillanité est une identité ouverte et plurielle.

Poète, philosophe et dramaturge martiniquais, Édouard Glissant est né en 1928. A la suite d'études de philosophie à la Sorbonne, il fait ses débuts dans la revue Les Lettres Nouvelles dirigée par Maurice Nadeau et obtient le prix Renaudot, en 1958, avec le roman La Lézarde où il met en scène le réveil de la jeunesse martiniquaise. Son activité de militant en faveur de la cause antillo-guyanaise et contre le système colonial, lui vaut dans les années 60 quelques déboires avec la justice française. Il est alors assigné à résidence en France. En 1965, il retourne en Martinique. Directeur du Courrier de l'Unesco (1982-1988), il se trouve à un poste d'observation idéal pour développer sa réflexion autour des thèmes de la Relation au monde et du métissage culturel. À l'Universalité, il oppose la Diversalité. Inspiré par les philosophes Gilles Deleuze et Félix Guattari, il établit une distinction fondamentale entre " l'identité à racine unique qui prend tout et tue autour d'elle " à " l'identité rhizome qui s'étend dans son rapport, dans sa Relation à l'autre ". Édouard Glissant est le père spirituel des écrivains du mouvement de la Créolité, il est le premier à avoir théorisé le concept de créolisation perçue comme un processus imprévisible et comme " un métissage conscient de lui-même " . Désormais professeur à New York, Edouard Glissant s'affirme, avec des romans et essais comme Tout-Monde ou encore Poétique de la relation comme le penseur majeur du monde actuel.



Le mouvement de la créolité




Cet extrait d'Eloge de la Créolité est symbolique du cri poussé par les créolistes, qui définissent la créolité comme "l'agrégat intéractionnel ou transactionnel, des éléments culturels caraïbes, européens, africains, asiatiques et levantins, que le joug de l'Histoire a réunis sur le même sol":

"Ni Européens, ni Africains, ni Asiatiques, nous nous proclamons Créoles. Cela sera pour nous une attitude intérieure, mieux : une vigilance, ou mieux encore une sorte d'enveloppe mentale au mitan de laquelle se bâtira notre monde en pleine conscience du monde. (...) Notre Histoire est une tresse d'histoires. (...) Notre culture créole s'est forgée dans le système des plantations, à travers une dynamique questionnante d'acceptations et de refus, de démissions et d'assomptions. Véritable galaxie en formation autour de la langue créole comme noyau, la Créolité connaît aujourd'hui encore un mode privilégié : l'oralité. Pourvoyeuse de contes, proverbes, " titim ", comptines, chansons..., etc., l'oralité est notre intelligence, elle est notre lecture de ce monde. (...) Bref, nous fabriquerons une littérature qui ne déroge en rien aux exigences modernes de l'écrit tout en s'enracinant dans les configurations traditionnelles de notre oralité."

Patrick Chamoiseau (Chronique des sept misères, Chemin d'Ecole, Antan d'enfance, prix Goncourt 1992 pour le brillant mais sophistiqué Texaco...), Raphaël Confiant (Le Nègre & l'Amiral, Eau de café, l'Allée des Soupirs, ainsi que de nombreux romans en créole...), Ernest Pépin et Gisèle Pineau sont les chantres les plus connus et reconnus de ce mouvement littéraire, qui se veut être la synthèse dépassant les mouvements doudouiste et de la négritude. L'écriture de ces auteurs est très colorée et se rapproche bien souvent du parler créole et du quotidien des petites gens des Antilles.


Source : Littératures des Caraïbes de Langue Française, Editions Nathan Université, Daniel Delas, 1999; Eloge de la Créolité, Editions Gallimard, Jean Bernabé, Patrick Chamoiseau, Raphaël Confiant, 1989; Frantz Fanon, Portrait, Alice Cherki; Aimé Césaire : un héritage lourd à porter, article coécrit par Kalem Mauvois & Aurélien Maurice dans la revue étudiante Woukou