Giuseppe Ciavarini-Azzi est italien, il a été responsable du groupe interservices" DOM TOM, Açores, Madère, Canaries, Ceuta & Melilla " à la Commission Européenne de 1986 à 2001
Q: Quel est le comportement des élus indépendantistes martiniquais vis à vis de la Commission ?
R: Les élus des régions ultra périphériques ont depuis le début soutenu notre démarche visant à faire reconnaître leur spécificité tout en conservant l'adhésion à l'Union Européenne. Alfred Marie-Jeanne est adorable et il me semble qu'il éprouve davantage de difficultés dans ses relations avec Paris qu'avec Bruxelles. Pour tout vous dire, il est même actuellement président du Comité des régions ultra périphériques.
De façon générale, les martiniquais sont beaucoup plus réceptifs à l'Europe qu'il y a 10 ans. Je me souviens, lors de mon passage aux Antilles, lors d'un carnaval d'avant 1993 d'une chanson au succès énorme qui considérait que l'Europe était un loup prêt à dévorer les Antilles. Ces temps sont révolus, les DOM ont pu conserver jusqu'à présent certaines exceptions grâce au statut de RUP, comme l'octroi de mer, tout en bénéficiant des fonds structurels. La peur de l'Europe, légitime au départ, s'est révélée infondée.
Q: Est-il réellement possible de changer le statut des DOM sans pour autant sortir de l'Europe ?
R:Les DOM rentrent dans le cadre de l'action 1 de l'Union Européenne, les TOM dans celui de l'action 2 et les pays ACP dans celui de l'action 3. Cela veut tout simplement dire que les DOM reçoivent plus d'argent de l'Europe que les TOM qui eux même en reçoivent plus que les pays tiers. La Nouvelle Calédonie par exemple, qui a fait le choix radical de la co-souveraineté avec la France reçoit beaucoup moins de fonds que les DOM.
Cela dit l'évolution vers un nouveau statut semble largement possible. En effet, on constate que les autres régions ultra périphériques, liées à l'Espagne ou au Portugal, disposent toutes d'une très large autonomie. Les Canaries sont ainsi l'une des régions autonomes de l'Espagne et ont de fortes responsabilités locales. L'évolution vers un statut ad hoc pour les DOM ne pose donc pas de véritables problèmes, même si elle entraînerait d'inévitables négociations.
Q: Est-il alors possible de sortir de la France sans pour autant sortir de l'Europe ?
R: Non, le rattachement des DOM à l'Europe se fait par le biais de la France. Toute sortie de l'espace français entraînerait systématiquement la sortie de l'Europe.
Q: Malgré tout, dans les faits, on a l'impression qu'en Europe, le poids de Bruxelles et des régions croît au détriment de celui de l'Etat…
R: Oui, mais sans appartenance politique à la France, il ne peut y avoir d'appartenance à l'Europe.
Q:Il est souvent dit que les Antilles françaises et la Guyane n'utilisent pas l'intégralité des enveloppes attribuées dans le cadre des fonds structurels, qu'en est-il vraiment ?
R: On a en effet une sous-utilisation de ces fonds dans les DOM. Cela est vraiment dommage à deux niveaux car d'une part les fonds non utilisés sont irrémédiablement perdus, et d'autre part, cela est de nature à remettre en question le montant des fonds futurs. En effet, comment soutenir une augmentation des fonds ou un maintien de ceux-ci quand l'argent attribué quelques années auparavant n'a servi à rien ! Ce problème est d'autant plus inquiétant qu'avec l'élargissement, il sera très difficile d'obtenir des fonds après 2006. Jusqu'à présent les fonds attribués aux RUP ont régulièrement et fortement augmenté, ce ne sera plus le cas.
Il faut cependant avouer une chose : l'utilisation des fonds structurels implique un co-financement des projets, or certaines collectivités locales n'en ont pas les moyens. Notamment certaines communes rurales de Guyane. Le manque de décentralisation peut aussi poser problème, puisque tous les dossiers passent par Paris. Etonnamment, la Commission ne dispose pas de bureaux dans les DOM (pour des raisons budgétaire, les seuls bureaux de la Commission en France sont situés à Marseille et à Paris), alors qu'elle dispose d'une antenne en Dominique, bénéficiant de fonds de l'action 3.